Faut il repasser à l’achat sur l’or

Malmené depuis le printemps dernier, l’or a récemment fusé à la hausse. Regain d’aversion au risque, possible rechute du dollar… Le timing paraît propice pour revenir sur le métal jaune et les valeurs minières aurifères. Tour d’horizon.

L’or reprend du poil de la bête. Après avoir été affecté, depuis avril, par la remontée du dollar (qui rend le métal jaune plus onéreux pour les acheteurs munis d’autres devises) et des taux d’intérêt réels – autrement dit des taux corrigés de l’inflation – (le métal jaune ne générant pas de revenu, il pâtit alors d’arbitrages défavorables), le cours de l’once a flambé, dernièrement.

En effet, “l’inscription d’un nouveau sommet depuis 2011 sur le taux d’intérêt à 10 ans des Etats-Unis, à 3,25%, a incité de nombreux intervenants à procéder à des arbitrages au détriment des actions et en faveur des emprunts d’Etat – dont la rémunération est désormais jugée attractive -, ce qui a favorisé un net repli des taux à 10 ans – et donc des taux réels”, explique Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI Asset Management. Et l’or pourrait bien tirer son épingle du jeu, à moyen terme.

Voici pourquoi.Le risque d’une nouvelle chute du cours de l’or est faible, selon Benjamin Louvet, qui juge que les taux réels devraient a priori rester sages. En effet, “au vu de l’ampleur de la dette publique des grandes puissances, on ne peut pas se permettre de laisser remonter fortement les taux d’intérêt si l’inflation ne repart pas. Et si l’inflation devait continuer de remonter, les taux réels resteraient faibles même en cas de hausse des taux. Ainsi, dans les deux cas, les taux réels resteraient bas”, explique l’expert.

L’or pourrait profiter d’un regain d’aversion au risque

Par ailleurs, de nombreux risques s’accumulent sur l’économie mondiale, entre la situation financière de l’Italie, la fragilisation d’Angela Merkel, l’aléa du Brexit, les tensions avec Téhéran, le bras de fer commercial sino-américain… Or, “la plupart des placements sans risque, comme les obligations d’Etat, ne rapportent presque rien, si bien que les investisseurs ont tendance à attendre la concrétisation d’un risque pour se placer sur ces valeurs refuge. Si un risque devait se matérialiser, on pourrait donc assister à des achats massifs d’obligations d’Etat, avec à la clé une hausse brutale de leurs cours – et donc une chute des taux d’intérêt réels”, souligne Benjamin Louvet. Et, on l’a vu, ce phénomène est favorable au cours de l’or…

Evolution de l’once d’or (échelle de gauche) et du taux d’intérêt réel à 10 ans des Etats-Unis (inversé, échelle de droite), cliquez sur l’image pour agrandir

CPR Asset Management

Et la prolifération, ces dernières années, des fonds Risk Parity devrait amplifier le phénomène. En effet, ces fonds ayant un “budget de risque” par catégorie d’actifs – actions ou obligations -, ils doivent mécaniquement réduire le poids des actions quand leur volatilité s’envole (autrement dit quand les cours chutent) et augmenter celui des emprunts d’Etat, ce qui pèse sur les taux d’intérêt. Ainsi, si un choc devait survenir, les taux réels chuteraient, favorisant ainsi les achats d’or et donc une envolée du cours de l’once. “Mieux vaut acheter de l’or avant la concrétisation d’un risque majeur, car alors l’once d’or pourrait se hisser à 1.350-1.400 dollars en l’espace de quelques mois. A défaut, le métal jaune devrait évoluer entre 1.200 et 1.270 dollars”, juge Benjamin Louvet.

Une guerre froide économique sino-américaine profiterait au métal jaune

Alors que l’environnement économique reste très incertain, les investisseurs ont jusqu’ici été relativement complaisants vis-à-vis du bras de fer commercial imposé par Donald Trump à la Chine. Or, “le vice-président américain Mike Pence a eu dernièrement des mots très durs pour la Chine. Le conflit sino-américain pose en réalité la question de la suprématie et ressemble de plus en plus à une véritable guerre froide économique (comme du temps de la rivalité avec l’ex-URSS, NDLR). Si une telle logique devait se confirmer, le cours de l’or profiterait d’un mouvement de réduction du risque des portefeuilles des investisseurs (augmentation de la part des emprunts d’Etat, NDLR)”, juge l’expert.

Une rechute du dollar favoriserait l’or

Reste qu’une éventuelle reprise de la baisse du dollar rendrait plus pérenne la remontée du cours de l’or. Or, “après sa phase d’appréciation, le billet vert pourrait bien plafonner face à l’euro, car la BCE devrait commencer à durcir sa politique monétaire à partir de l’été prochain (ce qui soutiendrait le cours de l’euro face au dollar, la monnaie unique étant mieux rémunérée, NDLR), tandis que la banque centrale américaine pourrait inverser sa politique de relèvement des taux dès 2021, ce que les investisseurs commencent déjà à intégrer”, explique Arnaud du Plessis, gérant actions thématiques spécialisé sur l’or et les ressources naturelles chez CPR AM. De plus, “l’entêtement de Donald Trump sur le front de la guerre commerciale pose de plus en plus de questions sur la croissance, y compris aux Etats-Unis, ce qui pourrait finir par peser sur la devise américaine”, juge l’expert.

Enfin, du point de vue de l’analyse technique, l’indice dollar (valeur du dollar contre un panier regroupant les principales devises, NDLR) esquisse actuellement une possible configuration dite en “épaule tête et épaule”, qui se concrétiserait en cas de rupture de la zone des 94 (contre un cours actuel de 95, NDLR), avec pour objectif 91. Une évolution qui favoriserait un rebond des cours de l’or, puisqu’on a vu que son évolution était, historiquement, inversement corrélée à celle du billet vert.

Evolution de l’once d’or (échelle de gauche) et de l’indice dollar (inversé, échelle de droite), cliquez sur l’image pour agrandir

SOURCE : CAPITAL